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Dermatologie Vétérinaire

Blog d'information de dermatologie vétérinaire tenu par des spécialistes en dermatologie vétérinaire

Congrès du GEDAC : le Bouvier Bernois

Publié le 1 Juin 2013 par Dr Arnaud Muller in Chien

Le GEDAC est le Groupe d'Etude en Dermatologie des Animaux de Compagnie de l'AFVAC (Association Française des Vétérinaires pour Animaux de Compagnie)

Ce groupe organisait  cette année son 27e congrès, consacré aux particularités raciales de cette spécialité. Voici les principales données sur le bouvier bernois.

Le Bouvier Bernois est un chien réputé pour sa gentillesse, son dynamisme et …sa prédisposition aux tumeurs histiocytaires ! Outre cette propension à développer ces cancers cutanés, les particularités de cette race en Dermatologie se limitent principalement aux troubles de la kératinisation et aux difficultés d’application des soins topiques. En revanche, la présence de lésions cutanées, qu’elles soient superficielles ou profondes, impose obligatoirement une tonte des zones concernées (pelage dense favorisant les macérations).

 

 

  1. Dermatite pyotraumatique

 

Même si les Labrador et les Golden Retrievers sont largement surreprésentés parmi les chiens développant une dermatite pyotraumatique (« Hot spot »), la race Bouvier Bernois est également fréquemment concernée par cette lésion en plaque, érythémateuse, en relief, érodée et suintante, initialement séro-hémorragique, dont l’origine étiologique est le plus souvent allergique (piqûres d’arthropodes, plantes urticantes). La lésion est généralement située sur la joue, le cou ou la face externe de la cuisse. Le prurit est souvent très violent.

Le traitement se fonde sur une tonte indispensable, l’application de lotion antiseptique et un dermocorticoïde sur une durée très courte (après vérification de l’absence de lésions infectieuses orientant vers un diagnostic de furonculose pyotraumatique).

 

 

  1. Adénite sébacée granulomateuse

 

L’adénite sébacée granulomateuse (ASG) est une dermatose peu fréquente, sans équivalent humain, qui se caractérise par une destruction spécifique des glandes sébacées par un processus immunitaire.

Même si le Bouvier bernois n’appartient pas aux races considérées comme prédisposées, nous avons eu l’occasion d’en voir plusieurs cas avec des lésions apparaissant plutôt chez un jeune adulte (2 à 5 ans): les symptômes sont dominés par un pelage terne et de très nombreuses squames sur la peau et à la base des poils. Des dépilations loco-régionales souvent symétriques apparaissent progressivement. Les zones préférentiellement concernées sont le dos, le chanfrein et les pavillons auriculaires, le crâne et la queue. Une odeur rance est souvent notée.

 

 

Les traitements topiques kératomodulateurs et émollients doivent être privilégiés, même sur les chiens à poils longs comme le Bouvier Bernois (prescription en première intention) : leur application fréquente (2 à 3 fois par semaine), associée à des acides gras essentiels, donne parfois des résultats étonnants et remarquables, qui évite le recours à une thérapeutique orale.

Dans le cas d’une efficacité insuffisante des shampooings et AGE, la prescription de rétinoïdes de synthèse ou de ciclosporine est recommandée. 

 

  1. Maladies histiocytaires 

 

L’histiocyte correspond à un ensemble de cellules d’origine hématopoïétique issues de la lignée myéloïde, présentes dans les tissus conjonctifs sous 3 formes : les macrophages ayant un rôle de phagocytose, les cellules de Langerhans et les cellules dendritiques ayant un rôle de présentation antigénique (rôle dans le système immunitiare).

 

a.     Classification des maladies histiocytaires du chien

 

Cellules

Hyperplasie

Néoplasie

Cellules de Langerhans

(Hyperplasie à cellules de Langerhans)

Histiocytome cutané

Cellules dendritiques

Histiocytose réactionnelle cutanée ou systémique

Sarcome histiocytaire des cellules dendritiques localisé ou disséminé

Macrophages

Granulome

Sarcome histiocytaire issu  des macrophages (syndrome hémophagocytaire)

 

Le Bouvier Bernois est la race prédisposée aux histiocytoses réactionnelle cutanée et systémique, ainsi qu’aux sarcomes histiocytaires

 

 

b.     Les histiocytoses réactionnelles

Il s’agit d’une prolifération qui résulte d’un désordre dans la régulation immune après stimulation par un antigène (absence de régulation négative de la réaction lymphocytaire T) et conduit à l’accumulation de cellules dendritiques interstitielles activées. Elles peuvent être cutanées ou systémiques et touchent des chiens adultes. Les prédispositions raciales sont le Bouvier Bernois, le Rottweiler, les Retrievers et l’Irish Wolfhound. L’importance de l’expression clinique peut être variable.

Une régression spontanée est possible mais l’évolution peut être fluctuante et une aggravation lente est possible. La prise en charge doit être adaptée à la gravité clinique allant de soins locaux à une corticothérapie.

 

 

c.     Le sarcome histiocytaire dendritique

Il correspond à une prolifération tumorale des cellules dendritiques. Les prédispositions raciales sont le Bouvier Bernois, le Rottweiler et les Retrievers (Labrador, Golden et Flat-coated), qui regroupent 80 % des cas. La présentation clinique montre des lésions nodulaires et des masses mal délimitées et infiltrantes.

 

La forme localisée concerne principalement le tissu sous-cutané et les muscles squelettiques et plus rarement les organes internes. Le Flat-coated y est plus nettement représenté (localisation péri-articulaire notamment).

 

La forme disséminée (anciennement nommée histiocytose maligne) correspond à une atteinte plus ou moins simultanée et précoce d’un grand nombre d’organes (rate, NL, poumons, foie, moelle osseuse, tissu sous-cutané, muscles…). Environ 80 % des formes disséminées sont rencontrés chez le Bouvier Bernois, qui montre une prédisposition familiale nette. On considère que 20 % des Bouviers Bernois en décèdent (âge moyen : 6,5 ans (de 2 à 11 ans), 70 % des cas entre 5 et 8 ans).

 

Le diagnostic peut être cytologique (ponction à l’aiguille fine de lésions cutanées, de la rate ou du foie, montrant de nombreuses cellules d’aspect macrophagique), mais surtout histopathologique.

 

Le bilan d’extension est primordial (radiographie, échographie, tomodensitométrie) pour confirmer l’atteinte interne et évaluer le nombre d’organes concernés.

Une étude récente (Tsai S. Vet Rad 2012) a montré que les lésions intra-thoraciques associées à un sarcome histiocytaire sont majoritairement des adénopathies (sternales ou trachéobronchiques) et des masses pulmonaires. Ces dernières présentent une localisation préférentielle ventralement dans le lobe médial droit.

 

Au plan thérapeutique,  la lomustine est l’agent cytotoxique qui semble présenter la meilleure efficacité en complément de la chirurgie lors de sarcome histiocytaire localisé (Skorupski KA. JVIM 2007, 16 chiens) avec une médiane de survie de 568 jours. Elle reste cependant le plus souvent décevante lors de sarcomes disséminés ou en l’absence de possibilité chirurgicale (Rassnick KM. JVIM 2010, 21 chiens) avec une médiane de 96 jours.

 

 

d.     Le sarcome histiocytaire macrophagique ou syndrome hémophagocytaire

C’est une prolifération tumorale de cellules macrophagiques qui revêt les mêmes prédispositions raciales (Bouvier Bernois et Flat-coated retriever en premier lieu). Les formes de sarcome histiocytaire généralisé rencontrées chez le Flat-coated retriever semblent préférentiellement de nature macrophagique. Les sites primitivement concernés sont la rate, le foie, les poumons et la moelle osseuse. Une organomégalie diffuse est souvent constatée ou des masses très mal définies avec infiltration par des histiocytes tumoraux à activité phagocytaire très importante. Des modifications hématologiques sont associées de manière beaucoup plus systématique : anémie 94 %, thrombocytopénie 88 %, hypoalbuminémie 94 %, hypocholestérolémie 69 % des cas. Le pronostic est dramatique en quelques semaines maximum.

 

Les connaissances sur ces maladies histiocytaires du chien ont considérablement progressé, en grande partie grâce aux collaborations entre les équipes vétérinaires (J. Abadie, T. Marchal …) et les laboratoires de génétique (C. André du CNRS de Rennes en particulier). Gageons que des tests génétiques puissent être prochainement mis au point pour permettre un dépistage dans cette race, dangereusement menacée par ces maladies graves et traumatisantes pour les propriétaires.

 

 

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