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Dermatologie Vétérinaire

Blog d'information de dermatologie vétérinaire tenu par des spécialistes en dermatologie vétérinaire

Congrès du GEDAC : Le Boxer

Publié le 1 Juin 2013 par Dr Arnaud Muller in Chien

Le Boxer est un chien réputé pour son impulsivité, son dynamisme et …sa prédisposition aux cancers ! En Dermatologie, les motifs principaux de consultation seront naturellement les tumeurs cutanées, au premier rang desquelles on trouvera le mastocytome et le lymphome cutané, mais également des formes de dermatite atopique parfois sévères, l’alopécie récidivante des flancs ou encore l’acné du menton.

 

 

  1. Dermatites allergiques

 

Le Boxer fait partie des races considérées comme prédisposées à la dermatite atopique canine (DAC). Les signes cliniques correspondent aux critères de la DAC, mais on observe surtout chez le Boxer un érythème des pavillons auriculaires, du menton, des babines, des aisselles et des espaces interdigités. Le prurit peut être assez intense (probable participation de facteurs psychogènes). On observe généralement une évolution rapide vers un épaississement cutané (lichénification) et une hyperpigmentation, associée fréquemment à une dermatite à Malassezia. Prurit et odeur rance sont alors de règle.

 

Du fait d'un terrain allergique fréquent et d'un pelage court qui rend les lésions bien visibles, la présentation clinique de l'urticaire est assez classique chez le Boxer: apparition brutale de plaque ortiées, apparaissant comme des élevures bien délimitées et présentes sur une grande partie du tronc et sur les membres. Le diagnostic différentiel doit être fait avec une folliculite des chiens à poils courts en phase initiale (aspect similaire d' élevures des poils).

 

 

  1. Acné 

 

L'acné canine se définit comme un trouble de la kératinisation localisée, associé à une surinfection bactérienne. Elle est assez fréquemment rencontrée dans la race Boxer, sous forme de papulo-pustules, furoncles et comédons au niveau du menton et dans certains cas des babines. Un gonflement potentiellement marqué et une douleur à la pression sont parfois observés.

 

 

  1. Dysendocrinies

 

Le Boxer reconnaît une prédisposition pour l'hypothyroïdie et l'hypercorticisme. Les symptômes sont classiques (signes généraux et cutanés), même si des cas d’hypertrichose paradoxale ont été décrits chez certains Boxer hypothyroïdiens.

 

L'alopécie récidivante des flancs (ARF) se caractérise par des épisodes d'alopécie débutant classiquement sur les flancs, avec une repousse spontanée des poils quelques mois plus tard et une récidive fréquente généralement annuelle. Rarement, l’alopécie devient permanente après plusieurs épisodes. L’alopécie est typiquement bilatérale et symétrique, occasionnellement unilatérale ; elle est le plus souvent confinée à la région thoraco-lombaire. Cette alopécie dessine des contours nets en forme de carte de géographie ; dans la race Boxer, il est fréquent de constater une hyperpigmentation des zones alopéciques ou surtout du poil après repousse. Plus rarement, l’alopécie siège sur la face externe des pavillons auriculaires, le chanfrein et la face postérieure des cuisses.

L’examen histopathologique révèle une atrophie folliculaire avec la présence d'infundibula dilatés et remplis de kératine s'étendant jusqu’à l'ouverture des follicules secondaires et des canaux des glandes sébacées.  Cette « dysplasie » folliculaire en "pieds de sorcière" est fortement évocatrice mais non diagnostique.  Généralement, les glandes sébacées sont de taille normale et présentent une mélanisation.

Cette affection est uniquement esthétique et ne mérite donc pas la mise en place d’un traitement comportant des effets secondaires potentiels. Diverses études tendent à prouver l’intérêt préventif (administration avant un nouvel épisode) de la mélatonine (par voie orale ou en implant sous-cutané (mais risque de réaction locale).

 

 

  1. Tumeurs

 

    1. Mastocytome

 

Il s’agit de la tumeur cutanée la plus fréquente chez le chien, représentant 7 à 21 % des tumeurs cutanées dans cette espèce. Une prédisposition des races brachycéphales est décrite et tout particulièrement du Boxer. Ainsi, White et al. en 2011, dans leur étude rétrospective cas-témoins portant sur 252 chiens, ont montré un facteur de risque accru pour les boxers (OR corrigé de 6,09), bien supérieur aux autres races dites elles aussi prédisposées : Labradors retriever (OR 3,95), Carlins (OR 3,17) ou Golden retriever (OR 2,12).

 

Les localisations corporelles préférentielles sont le tronc (50 à 60 % des cas) et les membres postérieurs (25 à 40 % des cas).

Le mastocytome cutané se présente le plus souvent comme un nodule dermique isolé et ferme mesurant de moins de 1 cm à plus de 10 cm, mais d’autres formes plus rares sont décrites : empâtement oedémateux du périnée, du fourreau ou du scrotum, masse cutanée ou sous-cutanée d’aspect inhabituel (masse volumineuse et molle évoquant un lipome, masse pédiculée, placard induré en « coulée de lave » plus ou moins ulcéré, masse dure et profonde mimant une tumeur conjonctive). Dans la race Boxer, l’atteinte faciale semble la plus fréquente.

Le Boxer fait partie des races les plus fréquemment affectées par la forme multicentrique avec les Carlins, Braques de Weimar, Golden retrievers et Shar-Peïs.

 

La cytoponction à l’aiguille fine permet un diagnostic dans la très grande majorité des cas (> 90 %), sauf pour les mastocytomes très indifférenciés.

Le mastocytome cutané est défini histologiquement par le grading de Patnaîk. Ce grading est directement corrélé au pronostic : chaque grade est associé à un taux de survie (qui diminue du grade I au grade III). Ainsi, 4 ans après la chirurgie, 95 % des chiens opérés d’un mastocytome de grade I sont vivants mais seulement 6 % des chiens opérés d’un grade III (selon Patnaîk). Toutefois, le grade intermédiaire constitue une limite à l’utilisation pronostique du grading. En effet, la survie des grades II selon Patnaîk est de 45 % à 4 ans.

La mesure de l’index de prolifération Ki-67 vient alors en complément de l’analyse histologique lors de mastocytome de grade II. Ainsi, lorsqu’une tumeur de grade II selon Patnaïk présente un index Ki-67 inférieur à 10%, le taux de survie est de 85 à 90 % deux ans après la chirurgie, ce qui se rapproche d’un grade I (agressivité locale). Inversement, lorsqu’une tumeur de grade II présente un index Ki-67 supérieur à 10%, le taux de survie est alors de 25-30 % à deux ans, ce qui conduit à considérer cette tumeur comme une tumeur de grade III (potentiel  métastatique important).

Les mastocytomes du Boxer seraient plus souvent de bas grade et donc de meilleur pronostic, malgré leur aspect parfois envahissant (forme faciale et/ou multicentrique).

 

Une classification histopathologique plus récente (Kiupel) définit un grading reposant sur deux grades uniquement: un bas grade et un haut grade (Figure 1). Ce grading présente les avantages d'être reproductible (avec plus de 90% d'agrément entre pathologistes), d'être relativement facile à utiliser pour les pathologistes et de supprimer le grade intermédiaire. Les chiens atteints d'un mastocytome cutané de bas grade selon Kiupel et al. présentent une survie de 100% (survie objectivée sur une évolution naturelle de la tumeur).

 

Il est également possible de rechercher maintenant des mutations génétiques spécifiques lors de mastocytome, dont l’intérêt est d’élargir le choix thérapeutique. La mutation la plus fréquente, c-kit (duplication sur l’exon 11), peut être recherchée sur bloc de paraffine, en complément de l’analyse histologique classique. En pratique, si cette mutation est identifiée, l’utilisation d’une thérapie ciblée (inhibiteurs des tyrosines kinases) peut être envisagée (l'AMM du masitinib concerne les mastocytomes récidivants et non-opérables de grade 2 et 3 selon Patnaik et présentant une mutation activatrice de l’oncogène c-kit).

 

L’extension métastatique du mastocytome est avant tout lymphatique avec envahissement des nœuds lymphatiques de drainage, puis des organes lymphoïdes internes (nœuds lymphatiques, rate, foie). Il a été démontré que si la cytoponction du nœud lymphatique de drainage  est négative, le reste du bilan d’extension se révèle négatif.

 

Après réalisation d’un bilan d’extension rigoureux, l’exérèse chirurgicale est le plus souvent la première étape du traitement et permet la confirmation histologique du diagnostic et l’établissement de facteurs pronostiques précis et validés.

 

Concernant le mastocytome multicentrique, pour lequel le Boxer est prédisposé, les études récentes suggèrent qu’il n’y a pas de différence en terme de pronostic entre des mastocytomes de même grade, isolés ou multiples. La survie à 12 et 24 mois est de 88 et 83% pour les mastocytomes isolés et de 86% aux deux échéances pour les mastocytomes multiples.

 

La chimiothérapie conventionnelle peut être utilisée en palliatif lors de tumeurs inopérables, pour faciliter un geste chirurgical complexe et enfin en traitement complémentaire d’une chirurgie lors de tumeur de haut grade. On utilise prioritairement les inhibiteurs des tyrosine kinases (thérapie ciblée : masitinib et tocéranibe), la prednisolone, la vinblastine, la lomustine.

 

La radiothérapie représente le traitement local du mastocytome le plus important après la chirurgie. Cette radiothérapie peut être associée à une chimiothérapie (par exemple vinblastine ou lomustine) ou bien une thérapie ciblée et cette combinaison est très bien tolérée.

 

 

  1.  
    1. Lymphome T épithéliotrope

 

Les lymphomes cutanéo-muqueux T épithéliotropes représentent un groupe hétérogène de proliférations de lymphocytes T circulants : les plus fréquemment rencontrés sont le mycosis fongoïde (MF) et sa forme leucémique, le syndrome de Sézary, beaucoup plus rarement la réticulose pagétoïde. Le diagnostic en est avant tout clinique et histopathologique.

 

Les signes cliniques cutanés du MF se caractérisent par un très grand polymorphisme :

L’érythrodermie exfoliative généralisée (dite aussi érythème prémycosique) est fréquente, et très probablement sous-diagnostiquée. Elle se manifeste par une érythrodermie généralisée et un squamosis blanc psoriasiforme, parfois par des collerettes épidermiques blanchâtres. La peau peut paraître épaissie et un prurit modéré à intense est fréquemment présent.

Une dermatite érosive et ulcérée, arciforme et /ou serpigineuse peut être également observée, notamment au niveau du ventre. Les lésions sont généralement infiltrées. Une dépigmentation cutanée, conférant à la peau un aspect marbré, peut être observée, ainsi que des zones de leuchotrichie (décoloration pilaire). Le prurit est variable

Une dermatite érosive et ulcérée des jonctions cutanéo-muqueuses (lèvres, paupières, anus) et des muqueuses (orale notamment) est très évocatrice d’un MF, même si un diagnostic différentiel avec une dermatose auto-immune doit alors être effectué. Une dépigmentation de la truffe, des coussinets plantaires et d’autres jonctions cutanéo-muqueuses est souvent observée.

Le  MF peut se caractériser également par des nodules ou des plaques érythémato-squameuses uniques ou plus souvent multiples, qui s’ulcèrent secondairement. Aucune topographie préférentielle n’existe. Cette infiltration peut concerner également les muqueuses buccale (chéilite), palpébrale (blépharite) ou anale (anite). Ces lésions sont variablement prurigineuses. Parfois, l’infiltration se cantonne exclusivement à la muqueuse buccale (gencive, lèvres) sans aucune autre localisation corporelle.

 

Le diagnostic de certitude est avant tout histopathologique et se caractérise par un épithéliotropisme de l’infiltrat lymphoïde pour l’épiderme, les follicules pileux et les glandes sébacées et sudoripares.

Le traitement a pour but de soulager les démangeaisons et d’augmenter la durée de vie. Il se fonde sur diverses molécules : prednisolone, rétinoïdes de synthèse, lomustine.

infra).

Nous avons récemment présenté (Congrès ESVD Florence 2010) une étude rétrospective sur 83 cas de MF, montrant que la lomustine et les rétinoïdes sont les traitements les plus efficaces sur le prurit, l’érythème et les nodules, avec une moindre action sur le squamosis, les ulcères et les plaques.

 

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