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Dermatologie Vétérinaire

Blog d'information de dermatologie vétérinaire tenu par des spécialistes en dermatologie vétérinaire

Importance de l'Observance

Publié le 17 Novembre 2013 par Dr Arnaud Muller

L’observance, ou compliance en anglais, correspond au respect de la prescription du vétérinaire par le propriétaire, et ce dans sa totalité, c'est-à-dire la dose, la fréquence, la durée et également les visites de suivi.

Ce mot provient étymologiquement du mot latin « observentia » signifiant « action d’observer, de surveiller ». La bonne observance dépend de 4 facteurs distincts qui sont :

-       l’animal lui-même

-      le propriétaire

-      le médicament et sa prescription

-      mais aussi le vétérinaire et ses assistant(e)s.

 

I. Les acteurs d’une bonne observance

 

1. L’animal

 

Quoi de plus plaisant pour un propriétaire qu’un chien ou un chat prenant spontanément ses médicaments ! Malheureusement, c’est loin d’être la règle et il est important d’évaluer dés la consultation la propension d’un animal à accepter la prise d’un comprimé, d’une gélule ou d’un liquide.

En outre, certains animaux présenteront immanquablement des effets secondaires avec certains médicaments (« le chien qui vomit tout ce qu’il prend » ou « qui fait obligatoirement tous les effets secondaires de la notice ! »), ce qui évidemment diminue fortement l’observance (du fait de moins bonne diffusion et de la baisse naturelle de motivation du propriétaire à donner alors le médicament). Généralement, les propriétaires de ces animaux répondent également à une typologie particulière (anxieux chroniques).

De plus, la nature de la maladie traitée joue également un rôle, puisque l’on sait par exemple que l’observance du traitement d’une gastro-entérite est plus élevée que celle d’une maladie respiratoire.

 

2. Le propriétaire

 

Il est le seul à pouvoir réellement attester de la bonne observance du traitement, car il n’existe pas de méthode fiable de décompte des médicaments (même si on compte ce qui reste comme médicaments à la fin du traitement, rien ne prouve qu’ils ont été donnés correctement et notamment à la bonne fréquence). En médecine humaine, on considère que l’observance réelle est de l’ordre de 50% (OMS, 2003) et aux Etats-Unis par exemple, 20 à 30% des prescriptions ne sont jamais retirées en pharmacie. Diverses études ont également été menées en médecine vétérinaire :

-       une étude de sur des traitements antibiotiques prescrits à 95 chiens pour 10 jours montrait que 44% des clients avaient respecté totalement la prescription

-       une étude  de 1996 pour un traitement similaire de 5 à 10 jours sur 22 chiens donnait 27% (6 chiens) d’observance totale

 

L’information majeure de ces études est que peu de clients respectent totalement les instructions des vétérinaires !

 

 

3. Le vétérinaire et son ASV

 

Dans la relation vétérinaire-propriétaire, le modèle permettant la meilleure observance est celui  où le vétérinaire apporte son expertise médicale mais en ne négligeant pas l’affect et en exprimant en particulier de l’empathie pour l’animal et son maître.

 

L’ASV intervient le plus souvent comme relais du vétérinaire pour appuyer son discours et sa prescription (exemple des antiparasitaires), en suivant généralement le modèle relationnel initié par son employeur.

 

II. Conséquences d’une mauvaise observance

 

Pour qu’un traitement soit efficace, il faut que le médicament atteigne sa cible à une concentration adéquate et pendant une durée suffisante. Toute anomalie dans la dose reçue, la fréquence d’administration et la durée du traitement pourra donc entraîner une inefficacité de ce traitement. Mais outre le danger pour la santé de l’animal, cet échec thérapeutique sera imputé au vétérinaire, alors qu’il est dû à la mauvaise observance par le propriétaire.

Enfin, lors d’antibiothérapie, cette observance médiocre pourrait favoriser l’émergence de souches de bactéries résistantes, à l’origine d’infections récidivantes, voire de transmission à l’homme.

Pour certains médicaments (insuline par exemple), il existe ce qu’on appelle un effet rebond : la reprise du médicament après un oubli peut entraîner un effet plus important de ce médicament et donc une toxicité accrue.

Il existe donc un risque pour la santé de l’animal, comme cela a pu être bien démontré chez l’homme. Par exemple, on sait que 30 % des hospitalisations des personnes de plus de 70 ans sont dues à des erreurs de prises médicamenteuses.

 

III. Comment améliorer l’observance

 

1.     Au niveau de l’animal

 

Il apparaît peu judicieux, voire inutile de prescrire un médicament à un animal qui sera d’évidence peu coopératif, voire qui a déjà refusé obstinément les traitements précédents. De même, si l’animal (chien ou chat) se laisse difficilement manipuler par ses propriétaires, il faut éviter la prescription de soins locaux, voire pour certains de médicaments par voie orale. On parle chez l’Homme de la prédictibilité de l’observance (plus de 200 facteurs négatifs ont été identifiés comme le tabagisme, le niveau intellectuel bas, les difficultés matérielles, les troubles visuels, etc.).

 

2.     Au niveau du propriétaire

 

Une étude de 2008 ayant démontré que l’observance est meilleure lorsque le traitement est administré par une femme, il pourrait être plus efficace de s’adresser prioritairement à la propriétaire qu’à son compagnon !

Dans certains cas, notamment pour des maladies chroniques avec donc des traitements prolongés, il pourra être utile de demander la venue de toute ou partie de la famille, afin que tout le monde se sente concerné.

Le langage, sans être trop simpliste, doit être clair, simple et faire appel le plus souvent possible à des comparaisons imagées (notion de vulgarisation des connaissances scientifiques).

Lorsque les traitements sont longs et contraignants, il est conseillé d’associer la prise médicamenteuse à une autre action quotidienne et plus aisément « automatisée », par exemple, la préparation de la gamelle ou la promenade (actes mémorisants).

Si le traitement est difficile à faire avaler, le propriétaire peut faire appel à des « stratagèmes » : écraser le comprimé, mélanger avec de la nourriture (pâtée, brioche, yaourt, fromage à tartiner…) ou le dissoudre dans un liquide. Il ne faut toutefois pas oublier que ces techniques de ruse peuvent également modifier l’assimilation et donc l’efficacité du principe actif. De plus, si ces stratagèmes sont trop complexes, l’administration s’apparente à une corvée pour le propriétaire, et l’observance s’en ressentira obligatoirement.

 

3.     Au niveau du vétérinaire

 

L’investissement du vétérinaire dans la mise en place du traitement (examen clinique, explications, fiche explicative…) a un effet très positif sur l’observance, qui est directement corrélée au temps passé à cette mise en place (démontré dans 2 études en 1999 et 2006). Ainsi, un vétérinaire convaincra le propriétaire s’il est lui-même convaincu de la justesse de sa prescription.

Le vétérinaire doit s’efforcer d’impliquer le propriétaire pour le faire adhérer au diagnostic et surtout au traitement (notion d’adhésion thérapeutique).

La mise en place d’une telle relation (confiance, empathie, échanges), appelée alliance thérapeutique, prend généralement du temps (d’autant plus qu’il n’existe pas un comportement unique mais qu’il faut s’adapter à chaque situation) (notion de personnalisation).

Le vétérinaire met souvent en avant à ce stade la recherche du bien-être de l’animal, en n’occultant pas pour autant la possibilité d’effets secondaires, qui seront d’autant plus aisément acceptés qu’ils auront été expliqués et relativisés (indiquer d’emblée les moyens de les minimiser, comme la prise dans ou hors des repas).

L’instauration de ce lien vétérinaire/propriétaire peut être prolongée à domicile grâce à l’emploi de documents techniques et explicatifs (« verba volant, scripta manent »: les paroles s’envolent, les écrits restent) : formulaires, plaquettes, calendrier de médicaments, etc.

 

L’ASV ne peut pas prescrire, mais peut avoir un rôle important dans l’explication de l’ordonnance ou pour donner des précisions (voire pour déchiffrer l’écriture hiéroglyphique du vétérinaire !!). Elle peut même se charger de la démonstration de l’acte thérapeutique : faire avaler un comprimé, une gélule, une suspension ou réaliser un premier shampooing à la clinique en compagnie du propriétaire.

De même, l’ASV peut être chargée des contrôles téléphoniques, qui permettent de détecter des écarts de traitement, une insuffisance d’efficacité ou des problèmes dans l’administration des médicaments.

 

4.     Le médicament et l’ordonnance

 

De façon triviale, le meilleur médicament qui soit sera totalement inefficace s’il ne parvient pas à son site d’action !

Si l’animal vomit assez régulièrement ou a fréquemment des troubles digestifs, on évite donc de prescrire un médicament connu pour sa tolérance digestive limitée (certains antibiotiques, antifongiques …).

Le nombre de prises quotidiennes a également une influence : l’observance est meilleure pour les produits nécessitant une seule administration que pour ceux en demandant 2 voire 3 (la diminution est particulièrement marquée à partir de 3 prises quotidiennes).

Ainsi, en médecine humaine, la réduction du nombre de prises quotidiennes des antidiabétiques oraux améliore l’observance - située à 61 % sous une prise contre 39 % sous 3 - et permet d’obtenir le meilleur équilibre glycémique.

Il peut être tentant d’avoir recours aux formes injectables (exemple de la céfovécine, injection antibiotique agissant 14 jours), mais il est impératif de prendre en compte les effets secondaires potentiels (par exemple, attention aux injections corticoïdes retard, car une fois le produit injecté, il est présent dans l’organisme pour plusieurs jours à semaines).

Enfin, il paraît évident que plus le nombre de médicaments à administrer est important, plus le risque de déviation du cadre fixé par l’ordonnance est grand. Un certain nombre de propriétaires conçoivent cependant des tableaux Excel ou Word, où sont consignées les diverses prises (véritable planning dans certains cas, comme par exemple lors d’instillation de collyres 4 à 6 fois par jour).

Même si cela peut sembler évident, le vétérinaire doit s’efforcer aussi de rédiger son ordonnance proprement et lisiblement !!

 

Les laboratoires ont développé ces dernières années de nombreuses formes appétentes (comprimés aromatisés, pâtes orales…) qui améliorent grandement la prise spontanée des médicaments. Attention toutefois à mettre ces médicaments hors de portée de l’animal pour éviter une ingestion accidentelle et massive. De même, il existe des aides à l’administration orale telles que les seringues « lance-pilule » ou les pâtes appétentes.

En fonction du gabarit de l’animal, on choisira une galénique adaptée : la taille des comprimés, la forme liquide pour certains chats ou petits chiens. Des comprimés de trop petite taille peuvent toutefois être une contrainte insurmontable pour les personnes âgées ou ayant des difficultés visuelles.

Bien évidemment, le coût du médicament peut être un frein indéniable à son administration prolongée et doit donc être pris en compte dès la prescription initiale.

 

 

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